(Nouvelle en 2011 mots présentée au concours de la Biennale de Lyon)
Elle sort de l’hôpital. Détresse dans son regard bleu liquide. C’est trop tôt. Elle ne se sent pas prête. Ses cheveux n’ont pas encore repoussé. Migraine. Un serpent diaphane lui troue les méninges. Cicatrice. Une douleur résiduelle martyrise sa tempe gauche. Elle palpe l’excroissance de silicium. Mal. Pourquoi si vite ? Des volutes, des arabesques délicates se déploient au dessus de sa tête. Une étoile explose sur son front. Fierté aussi.
Lumière tranchante. La meute des journalistes l’étouffe. On lui touche le crâne. On lui pose des questions incompréhensibles. Elle n’y arrivera pas. Fuir.
Elle s’engouffre dans un véhicule électrique. Elle se cogne contre la portière. Souffrance. Fermer son esprit. Faire le vide, comme on le lui a appris. Sinon, tout le monde verra. Trop de stress. Echec. Un écoulement informe, sale, monte vers le ciel. Pollution visuelle. Fantôme de douleur ridicule. Elle perçoit des rires au dehors. N’a-t-elle rien de mieux à leur offrir ?
Larmes. Concentration. Jonction avec l’univers. Une pensée évidente surgit d’un effort surnaturel. Un jet de couleurs envahit la rue, traversant la carrosserie. La vie éclabousse les trottoirs insipides. L’image d’un vieil homme se forme dans l’air. Sourire. Il porte un petit singe, de ceux qui ont vaincu la rapacité humaine. Un tableau géant, virtuel, brillant, aux chairs éclatantes. Terriblement beau. Les journalistes empoignent leurs appareils photo pour transformer le rêve en pixels. Le temps est suspendu. L’hilarité aussi. Elle a réussi. L’ordinateur à lire dans les pensées est au point. La preuve : regarde cette projection juste au-dessus de nous.
Un nouveau support pour l’art. Un nouveau support pour la dictature. Elle a forcé la porte d’accès au cerveau, scellée depuis des millénaires.
Pourquoi elle ?
Survivre. Et devenir millionnaire.
Les lignes vacillent, s’effondrent. Les couleurs se dissolvent dans l’éternité. Le vieillard et son singe rejoignent les profondeurs de l’intelligence. Elle perd connaissance.
Salut Lou-jan,
Je viens de lire ta nouvelle, puis les 3 gagnantes dans Télérama…Il y a de quoi crier à l’injustice, ton texte est d’une dimension bien (trop ?) supérieure ! Alors quoi, déroutant ? Dérangeant ? Trop loin dans l’imaginaire ? Que faut-il faire pour que cette terrible beauté apparaisse au monde ?
Un accro dépité…
Merci. Le style était trop expérimental pour cette fois. Une autre année…